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Mémoire de la présence Française au Maroc à l'époque du Protectorat
 
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 Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -

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Paul CASIMIR





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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyMar 8 Avr - 13:01



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LE MAROC




Il a été tiré de cet ouvrage


220 exemplaires sur papier de Hollande Van Gelder, dont 200 numérotés de 1 à 200

et 20 non numérotés hors commerce.




Ce volume a été déposé au Ministère de l'Intérieur en 1923.




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Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - Bscan_11


J. ET J. THARAUD

_____


LE MAROC


TRENTE PLANCHES HORS TEXTE

EN COULEURS, d'après LES TABLEAUX DE


J.-F. BOUCHOR

Ornementations de DAVID BURNAND


PARIS

LIBRAIRIE PLON

PLON-NOURRIT et Cie, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
8, RUE GARANCIÈRE - 6e

___


Tous droits réservés



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LE MAROC


Table des matières

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Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - Fscan279




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RABAT




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LA KASBAH DES OUDAYAS


A l'embouchure d'un lent fleuve africain où la mer entre largement en longues lames frangées d'écume, deux villes prodigieusement blanches, deux villes de Mille et une Nuits, Rabat el Fath, le Camp de la Victoire, et Salé la barbaresque, se renvoient de l'une à l'autre rive, comme deux strophes de la même poésie, leurs blancheurs et leurs terrasses, leurs minarets et leurs jardins, leurs murailles, leurs tours et leurs grands cime­tières pareils à des landes bretonnes, à de vastes tapis de pierres grises étendus au bord de la mer. Plus loin, en remontant le fleuve, au milieu des terres rouges, rouge elle aussi, s'élève la haute tour carrée d'une mosquée disparue. Plus loin encore, encore une autre ville, ou plutôt les remparts d'une forteresse ruinée qui maintenant n'est plus qu'un songe, un souvenir de



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page 4

pierre dans un jardin d'orangers. Et de Rabat la blanche à la blanche Salé, par-dessus le large estuaire du fleuve, de la soli­taire tour de Hassan à Chella la mystérieuse, c'est, du matin au soir, un lent va-et-vient de cigognes qui, dans la trame de leur vol, relient d'un fil invisible ces trois cités d'Islam ramassées dans un étroit espace, ces blancheurs, ces verdures, ces eaux.

Est-ce mon imagination ou mes yeux qui voient dans cet endroit un des beaux lieux du monde ? Pareil aux grands oiseaux, mon regard se pose tour à tour, sans jamais se lasser, sur toutes ces beautés dispersées. Mais comme eux il revient toujours à la sortie du fleuve, sur le haut promontoire qui dresse au-dessus de Rabat une puissante masse en trois couleurs, de blanc, de vert et de feu. C'est à lui seul un paysage qui saisit l'âme tout entière, un paysage ardent et laiteux, brûlant et frais à la fois, tel qu'on pensait n'en pouvoir rencontrer que sur les toiles d'un Lorrain ou dans les grandes folies d'un Turner. Du coup pâlissent dans la mémoire les souvenirs, si romanesques pourtant, de ces comptoirs fortifiés que Venise en ses jours de gloire a semés dans l'Adriatique, de Trieste à Durazzo. Tous les peuples divers, venus ici pour une heure ou pour des siècles, Carthagi­nois, Romains, Arabes, Portugais, ont bâti sur ce rocher. Il y a là-haut un amoncellement prodigieux de murs rouges qui plongent à pic dans la mer ou s'appuient sur la falaise, les uns délités et ruineux, les autres surprenants de jeunesse, de force vivace; des buissons de cactus, des touffes de roseaux, toutes les espèces de figuiers; un amas de maisons misérables mais éblouissantes de chaux vive, où les sultans ont installé quelques



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La Kasbah des Oudayas.



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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyJeu 1 Mai - 16:00

page 7

familles d'une tribu guerrière, la tribu des Oudayas, qui donne son nom au rocher; un beau palais mauresque avec sa cour, son jet d'eau, ses jardins, où les jeunes pirates s'initiaient jadis aux secrets de la navigation ; une porte géante qui à elle seule ferait une vraie forteresse; le mât léger d'un sémaphore; et au sommet de tout cela, dominant des lieues de mer et de campagnes vides, la tour carrée d'un minaret.

De près, cet étonnant décor, sous la lumière du plein midi, découvre bien son indigence. Le temps, les hommes, les vents du large ont attaqué cet appareil guerrier, détruit en mainte et mainte place la robuste perfection des choses. Les blanches maisons, accrochées aux éboulis des murailles, ne cherchent même pas à cacher ce qui s'entasse, dans leurs cours, de pouillerie, de femmes en haillons, d'enfants charmants mais sordides; les verdures, qu'aucune pluie n'a lavées depuis longtemps, sentent un peu la soif et la poussière en dépit de l'humidité marine ; des détritus de toutes sortes descendent à la grève en longues traînées noirâtres au milieu des pierres écroulées, II n'y a pas jusqu'aux nids de cigognes posés sur un pan de la ruine comme de larges plateaux d'immondices, qui ne se montrent, eux aussi, à nu dans leur pauvreté orientale, ajoutant leur misère d'oiseaux à celle qui s'agite déjà parmi ces murs embrasés.

Mais qu'on s'éloigne ou que vienne le soir, et le magique Orient refait aussitôt ses prestiges sur la Kasbah des Oudayas. Quand le soleil s'incline à l'horizon et qu'une lumière voilée de brume enveloppe ce rocher plein d'histoire, tout se recrée, tout



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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyJeu 1 Mai - 16:04

page 8

s'anime. Les murs retrouvent leur jeu­nesse et leur ancienne perfection, la verdure son éclat, les nids leur poésie aérienne. Le mât du sémaphore, avec ses agrès compliqués, paraît quelque ba­teau fantôme jeté là-haut sur ces pierres par un coup de mer monstrueux. Les pauvres petites maisons blanches et le minaret qui les couronne ne forment qu'une vaste féerie d'une complication folle, où s'enchevêtrent et se confondent les terrasses et les jardins suspendus. Cette roche guerrière et ses remparts rougeâtres ne semblent plus servir qu'à soutenir la rêverie. La longue houle atlantique, qui se brise en bas sur les récifs, met une rumeur héroïque autour de ce palais de songe. De l'autre côté de l'estuaire, Salé la barbaresque n'est plus qu'un jeu de la lumière, une gracieuse fantaisie de la lune sur le sable, une dernière frange d'écume apportée là par le flot.

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Au pied de ce haut promontoire, on a toujours fait de grands rêves. Dans quelle bibliothèque de Fez, de Marrakech ou d'Espagne, dans quelle poussière ou quel néant éternel reposent aujourd'hui les plans que dessina jadis un architecte maugrabin, pour faire de la charmante et modeste Rabat une nouvelle Alexandrie ? C'était, je crois, un sultan almohade, contemporain de Saint Louis, qui en avait conçu l'idée. Aujourd'hui le rêve





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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyJeu 1 Mai - 16:08

page 9

est repris; les racines du figuier vivace repoussent sur l'antique muraille. Une ville française couvre le vaste espace entre les murs de la ville indigène qui continuera de mener ( In chah Allah ! S'il plaît à Dieu ) sa traditionnelle vie musulmane, et les rem­parts flamboyants de la mystérieuse Chella. C'est l'Alexandrie nouvelle. Dans un temps prodigieusement rapide, ce vieux mot de Rabat aura dépouillé pour toujours son voile de brume atlantique, et ces rauques syllabes, nous les prononcerons avec l'orgueil tranquille et cette familiarité, hélas! un peu banale, qu'on attache déjà aux noms prestigieux naguère d'Oran, de Constantine ou d'Alger.

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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyJeu 1 Mai - 16:12

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LE CIMETIERE DE RABAT

De chaque côté de l'estuaire du Bou-Regreg, séparés seulement par la barre qui se brise sur leurs rochers et leurs sables, les deux grands cimetières de Rabat et de Salé se ressemblent comme une tombe d'Islam ressemble à une tombe d'Islam. Tous les deux au bord de la mer, sans un buisson, sans un arbre, sous un ciel souvent voilé d'un léger crêpe grisâtre, ils ne ramènent pas l'esprit vers les jardins de cyprès et d'oubli qu'on voit à Constantinople, à Brousse ou à Damas. Mais de quel mouvement inattendu, avec quelle force poignante, par delà des lieues et des lieues de terres battues par les vagues, ils emportent l'imagination vers quelque lande de Bretagne solitaire le long des grèves !...

Si loin que la vue peut s'étendre, ils sont hérissés de pierres grises. Et il y en a des milliers et des milliers de ces



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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyJeu 1 Mai - 16:16

page 12

pierres grises, à peine plus hautes que le genou, toutes de la même forme carrée, toutes du même granit bleuâtre, mangées par le lichen et la rouille, et accouplées deux par deux à la dis­tance d'un corps étendu. Suivant le mouvement des dunes, elles montent et descendent en lignes longues et serrées, jusqu'à la rude enceinte qui borde le rivage, comme pour contenir leur flot. Mais elles franchissent la muraille, envahissent la grève, hérissent de nouveau le rocher et le sable de leur multitude pressée. Seul, l'Océan peut arrêter cette lente poussée silen­cieuse, cette marche funèbre des pierres.

Chaque vendredi, sur cette lande, dans ce cimetière si nu d'Islam, où toute représentation d'une forme humaine est interdite, se dresse, comme par miracle, un peuple vivant de statues. Ce sont les femmes qui, ce jour-là, viennent encenser les morts, causer entre elles et respirer un autre air que l'air prisonnier du patio. ( Encore toutes n'ont pas le loisir de venir s'asseoir sur les tombes, et quand on est d'une très noble ori­gine, la mort elle-même n'a pas le privilège de vous faire quitter la maison.) Le triste haïk blanchâtre cache toujours aux yeux les visages et les robes aux riches couleurs, mais pour une fois, on lui pardonne, tant il y a de noblesse dans ses beaux plis antiques, qui mettent auprès de chaque tombe une image achevée de la mélancolie.

Et partout des bouquets d'enfants, jaunes, verts, rouges, violets, toutes les nuances de l'arc-en-ciel doucement voilées de mousseline. Entassés à dix ou douze dans l'intervalle de deux pierres grises, comme dans un bateau fleuri, sous la gaule d'un



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Cimetière de Rabat, le vendredi.



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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyJeu 1 Mai - 16:24

page 15

maître d'école, ils chantent des versets du Coran, en balançant leur tête si comiquement sérieuse au fond du capuchon pointu ! La dune, à l'ordinaire silencieuse, retentit de leurs voix aiguës et de leur chant précipité. Une prière finie, tous ensemble ils s'envolent comme un essaim diapré, pour s'abattre sur une autre tombe, entre deux autres pierres grises.

Et tout cela, ces femmes, ces enfants, ces blancheurs de statues, ces couleurs de choses ailées, ce gracieux paysage, je ne le vois que par un mois d'été, sur une lande si brûlée que le chardon lui-même a peine à y trouver sa vie. Que doit-il être au printemps, quand ce désert de cendre et de granit n'est qu'un immense champ de fleurs ?...


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MOULAY-IBRAHIM


Je me dirige sur des voix de mendiants qui psal­modient dans une rue. Ils sont assis devant une kouba, sous une fenêtre grillagée à laquelle flottent des chiffons et des touffes de cheveux. C'est le tombeau d'un saint qui, pour quelque folie ou quelque vertu légendaire, a mérité d'être enterré ici, de conserver sa place au milieu des vivants, d'échapper au cime­tière de la dune, à cette terrible égalité où précipite la mort musulmane et toute mort. En me dressant sur la pointe des pieds, je puis jeter un regard dans l'intérieur du mausolée. Des veilleuses, un cierge de cire qui achève de se consumer dans un chandelier de cuivre, éclairent un catafalque couvert de velours et de soie, que surmontent aux quatre coins des éten­dards blancs, verts et rouges. Au plafond, parmi les veilleuses,





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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyVen 2 Mai - 7:42

page 18

brillent ces boules multicolores qu'on gagne aux loteries foraines; aux murs, des ex-voto, des tablettes de bois peint, une profusion incroyable de pendules, d'horloges, de coucous arrêtés ou réglés à des heures différentes, toutes machines à calculer le temps qu'on est bien étonné de rencontrer dans cette chambre funèbre... Sur le faîte de la coupole qui cou­ronne cette chapelle d'Islam, un vaste nid de cigogne est posé. Le long du mur, sous la fenêtre, la kyrielle des mendiants aveugles. Hommes déchus et libres oiseaux, tous les deux se ressemblent, tous les deux errants et fidèles, ramenés par chaque saison au même tombeau familier, l'un à la cime et l'autre au pied. L'écuelle de bois sur les genoux, ces mendiants, en plein soleil, insoucieux de chercher une ombre dont leur peau boucanée n'éprouve sans doute plus la douceur, et que leurs yeux sinistrement ouverts ne reconnaissent même plus, psalmodient leurs litanies, où revient sans cesse le nom de Moulay Ibrahim, l'habitant du mausolée. Leurs voix infati­gables bercent le silence d'alentour, tandis qu'en haut de la kouba, immobile sur une patte, la cigogne, dans la lumière argentée, semble l'image de la méditation solitaire, la prière elle-même prête à s'envoler en plein ciel.

Dans la ruelle, une forme blanche, enveloppée de la tête aux pieds d'une vaste serviette-éponge qui ne laisse paraître qu'un œil — une femme à qui son âge ou sa condition modeste permet de sortir dans la ville —- s'avance en traînant ses san­dales jusqu'à l'entrée du sanctuaire. Elle se glisse par la porte entrebâillée, me jetant au passage son regard de cyclope, un



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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyVen 2 Mai - 7:44




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Kouba Moulay-Ibrahim.



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MessageSujet: Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 -   Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - EmptyVen 2 Mai - 7:49

page 21

regard sans visage, impersonnel comme une flèche partie on ne sait d'où, mais si noir, si brillant, si avivé par la peinture et le fard que je comprends aussitôt pourquoi on appelle œil du diable cet œil inquiétant de sorcière.

Un instant elle disparaît dans la cour de la kouba. A travers le grillage, je la revois, lourd et blanc fantôme, qui s'approche du tombeau. De sa main enveloppée dans un pan de la serviette-éponge qui lui sert de haïk, elle frappe sur le cercueil un ou deux petits coups secs afin de réveiller le mort, baise la place qu'elle a touchée, s'accroupit sur la natte et, le dos appuyé au catafalque, s'efface, disparaît, s'anéantit dans le silence et le bruit des pendules, me laissant plus seul dans la rue que son passage sépulcral avait un instant animée.


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LA PORTE DE CHELLA



Pas même dans les cimetières qui s'étendent au bord des grèves, ni sur le promontoire de la kasbah des Oudayas, dans la grande féerie qu'offrent là-bas le ciel, la mer, les verdures et les rochers, je n'ai ressenti une plus forte impression de solitude et de siècles abolis, qu'entre les murs flamboyants de Chella, qui n'enferment plus que du silence. Il faut un effort de l'esprit pour se représenter que, derrière ces remparts, ce fut pendant des siècles un continuel passage de cavaliers au visage voilé que les sultans berbères rassemblaient dans cette enceinte pour les précipiter sur l'Espagne. De tout ce mouve­ment formidable, il semblerait que pour toujours il dût rester quelque chose : un écho, un murmure dans l'air. On tend l'oreille pour recueillir la rumeur de ces grandes chevauchées.



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page 24

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EL SID MUSTAPHA BEN DRISS, CAVALIER DE LA GARDE DU SULTAN.

Mais rien ne bouge, rien ne bruit. Rien que des chèvres au fond du ravin, comme pétrifiées autour de leur berger dans l'ardeur de l'après-midi, et l'ombre glissante d'un geai bleu sur la muraille embrasée. Le jour où Yacoub el Mansour dé­cida de transporter à Rabat le camp de ses guerriers, la solitude a pris posses­sion de Chella. C'était déjà un lieu aban­donné, quand les sultans mérinides, sé­duits par le mystère et la vénération qui s'attache aux endroits chargés de souve­nirs, le choisirent pour en faire leur né­cropole. Ils l'emplirent de leurs sépul­tures, relevèrent l'enceinte croulante. Et maintenant, ce qui demeure derrière ces hautes murailles, c'est la ruine de ces tombeaux et comme la mort de la mort.

On entre dans cette cité funèbre par une porte de paradis, sur laquelle se déploient avec une fantaisie charmante toute la géométrie et la flore stylisée qui font sur les murs du Moghreb de si délicieux jardins. Rien de plus parfait à Grenade que ce chef-d'œuvre de pierre enchâssé dans ce collier barbare de terre et de cailloux. Ce sont les fils des guerriers dont les méhallas se formaient à l'abri de la vieille enceinte, qui ont bâti cette merveille. Ils rapportaient d'Espagne les traditions de cet art andalou si fort et si délicat, où tant d'influences se mêlent. Et même, l'on dirait à voir l'ogive de cette porte fleurie, que l'imagination musulmane



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La porte de Chella.



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page 27

s'est donné ici le plaisir d'imiter en liberté l'art glorieux de nos maçons, qui couvraient alors l'Europe d'églises et de châteaux flamboyants.

Une fois la porte franchie, c'est le désert, la pente dénudée d'un coteau qu'anime seulement le va-et-vient des ânes qui montent et descendent à la source, en faisant rouler sous leurs sabots la pierraille. Mais au milieu de cette aridité embrasée les yeux découvrent avec délices, au bas de la colline, des masses fraîches de verdure, des roseaux, des figuiers, des oliviers argentés, des allées d'orangers, de mûriers pleins d'oiseaux et d'arbres centenaires qu'on m'a dit être des micocouliers. De ces frondaisons brillantes surgit la tour d'un minaret brûlée par des siècles de soleil, et que surmonte un mince campanile, sur lequel une cigogne a bâti son nid de broussailles. Un mur bas de jardin, chargé de toutes les plantes qui croissent sur les ruines, entoure ce bois sacré ; et là, dans la végétation qui l'embaume et l'étouffe, la nécropole des Mérinides achève de mourir doucement.



Jean et Jérôme THARAUD, LE MAROC - 1923 - Bscan_28



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UN FONDOUK A SALÉ



Toute cette fin d'après-midi, j'ai cherché, à Salé, le fondouk où furent vendus Cervantes et Robinson Crusoé. Mais bien que le temps ne soit pas loin où l'on trafiquait des esclaves, personne n'a pu ou n'a voulu me dire où se faisait la criée. Et qu'importe d'ailleurs ? Ces fondouks se ressemblent tous; et celui qui vit passer les inoubliables captifs devait être en tous points pareil au caravansérail, où, fatigué de ma recherche infructueuse, je m'arrêtai pour prendre un verre de thé sur la natte du caouadji.

C'était jeudi, jour de marché. La grande cour, entourée d'arcades, foisonnait de bêtes et de gens. Dans la poussière, le purin et les flaques d'eau près du puits, ânes, chevaux, mulets, moutons, chats rapides et comme sauvages, chiens du bled au



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poil jaune, pareils à des chacals, poules affairées et gloutonnes, pigeons sans cesse en route entre la terre et le toit, cent ani­maux vaguaient, bondissaient, voletaient ou dormaient au soleil autour des chameaux immobiles, lents vaisseaux du désert ancrés dans le fumier desséché. Sous les arcades, âniers et cha­meliers se reposaient à l'ombre parmi les selles et les bâts, jouaient aux cartes et aux échecs, ou à quelque jeu semblable, tandis qu'au-dessus d'eux, sur la galerie de bois qui encadre le fondouk, les prostituées, qu'on appelle ici, non sans grâce, les filles de la douceur, prenaient le thé avec l'amoureux du moment, dans leurs petites cases, derrière un rideau de mous­seline, allaient et venaient sur le balcon, ou penchées sur la balustrade, échangeaient le dernier adieu avec celui qui s'en va. C'était un spectacle charmant, toutes ces bêtes rassemblées là comme dans une arche de Noé, et ces beautés naïves qui laissaient tomber au-dessus du fumier l'éclat barbare de leurs bijoux d'argent et leur volupté innocente. Accroupis sur leurs genoux, les chameaux balançaient, au bout de leurs cous inélé­gants, des têtes pensives et un peu vaines. Il ne leur manquait que des lunettes pour ressembler à des maîtres d'école sur­veillant avec dédain une troupe d'écoliers folâtres, une récréa­tion d'animaux. On croyait lire dans leurs yeux le souvenir de très lointains voyages, justement aux pays qu'on voudrait voir. Et cela, tout à coup, leur donnait le prestige que paraissaient réclamer le balancement de leurs têtes solennelles et la moue de leurs grosses lèvres perpétuellement agitées. Chameaux, vieux professeurs pensifs, chameaux pelés, chameaux errants, de vos courses poudreuses qu'avez-vous rapporté ?



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